Le registre des Bénéficiaires effectifs Des personnes morales

Dans le contexte de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, l’Union Européenne (UE) a adopté le 20 mai 2015 la Directive (UE) 2015/849  (dite 4ème directive AML) et le 30 mai 2018 la Directive (UE) 2018/843 (dite 5éme directive AML) (les « Directives »). Ces Directives prévoient une série de mesures de prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme notamment par la mise en place d’un registre centralisé des bénéficiaires effectifs des personnes morales immatriculées auprès du Registre du Commerce et des Sociétés de Luxembourg (RCS)1  (le « Registre »).

La transposition des Directives :

Dans le cadre de la transposition de ces deux Directives, le Luxembourg a adopté le 13 janvier 2019 et publié au Journal Officiel le 15 janvier 2019 la loi instituant le Registre des bénéficiaires effectifs des personnes morales immatriculées auprès du RCS (la « Loi ») en incluant d’ores et déjà certaines dispositions de la 5éme directive AML, alors que cette dernière laisse aux États Membres un délai de transposition se terminant le 10 janvier 2020, dont notamment celles relatives à l’accès en consultation du Registre ouvert à toute personne sans devoir justifier d’un quelconque intérêt légitime.

Le Registre :

Le Registre centralisera et conservera les informations sur les bénéficiaires effectifs tels qu’ils sont définis par loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme (la « Loi de 2004 »)2 des entités immatriculées au RCS à l’exception des sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé qui ne seront quant à elles tenues de faire inscrire sur le Registre uniquement le nom du marché sur lequel leurs titres sont admis à la négociation.

Les Informations à faire figurer dans le Registre :

Les entités immatriculées devront elles-mêmes collecter auprès de leurs bénéficiaires effectifs les informations suivantes : le nom, le prénom, la nationalité, la date et le lieu de naissance, le pays de résidence, l’adresse privée ou l’adresse professionnelle précise, le numéro d’identification au registre national luxembourgeois ou étranger ainsi que la nature des intérêts effectifs détenus et l’étendue de ces dits intérêts de chaque bénéficiaire effectif ainsi que les pièces justificatives y relatives dont la liste sera fixée par règlement grand-ducal (les « Informations »). Ces Informations devront être adéquates, exactes et actuelles ce qui impose une mise à jour à chaque changement d’une ou plusieurs de ces Informations.

La collaboration obligatoire des BE :

Dans le cadre de la collecte des Informations, la Loi impose à tout bénéficiaire effectif de collaborer avec l’entité immatriculée dont il est le bénéficiaire effectif et de fournir à cette entité immatriculée les Informations adéquates, exactes et actuelles le concernant sous peine d’amende pouvant aller de 1.250 eur jusqu’à 1.250.000 eur.

L’enregistrement des informations au Registre :

Le dépôt et l’enregistrement sur le Registre tenu au RCS des Informations incomberont aux entités immatriculées ou au mandataire que l’entité immatriculée pourra charger comme intermédiaire.

Cette démarche s’effectuera par voie électronique sur le site du RCS dans le mois suivant l’évènement rendant l’inscription ou la modification des Informations nécessaire.

L’accès au Registre :

L’accès au Registre qui s’effectuera par voie électronique peut être différencié entre :

  • les autorités nationales qui, dans le cadre de leur mission, auront accès à l’intégralité des Informations enregistrées, et
  • le grand public qui pourra consulter ces mêmes Informations à l’exception de l’adresse du bénéficiaire effectif ainsi que de son numéro d’identification national.

Le système informatique utilisé par les autorités nationales pour l’accès au Registre sera sécurisé moyennant une authentification et devra conserver pendant 5 ans les informations relatives à la personne ayant procédé à la consultation, les informations consultées, la date, l’heure et la référence du dossier dans le cadre duquel la consultation a été effectuée, ainsi que le motif précis de la consultation. Aucune information sur une consultation des données du Registre par une autorité nationales ne peut être communiquée aux entités immatriculées ou aux bénéficiaires effectifs.

Concernant les modalités d’accès au Registre pour le grand public, la loi renvoie au règlement grand-ducal non encore définitif.

Cependant, en cas de risque disproportionné tel que notamment le risque de chantage, d’enlèvement ou de violence, les entités immatriculées ou les bénéficiaires effectifs pourront, sur une base dûment motivée, demander au gestionnaire du RCS la limitation de l’accès aux Informations à certaines catégories de personnes seulement pour une durée maximale de 3 ans renouvelable.

La Loi impose également aux autorités nationales disposant d’un accès au Registre ainsi qu’à tout professionnel soumis à la Loi de 2004 d’informer le RCS de l’existence de données erronées ou d’une absence de tout ou partie des données d’un bénéficiaire effectif dans un délai de 30 jours à compter de cette constatation.

La conservation des Informations au siège social :

Les Informations collectées devront également être conservées au siège social pendant toute l’existence de l’entité immatriculée et devront être tenues à jour de sorte qu’elles soient toujours adéquates, exactes et actuelles.

Ensuite, il devra être désigné et publié au RCS l’endroit où ces Informations seront conservées durant les cinq années suivant la radiation de l’entité immatriculée du RCS.

Il est à noter que sur demande des autorités nationales, les entités immatriculées seront tenues de mettre à disposition, dans les 3 jours de la demande, les Informations sur leurs bénéficiaires effectifs ainsi que celles relatives à leur propriétaire (associé juridique).

Les sanctions :

La Loi prévoit enfin des peines d’amende pouvant aller de 1.250 eur jusqu’à 1.250.000 eur à l’encontre des entités immatriculées qui (i) omettent d’adresser au Registre dans les délais impartis une demande d’inscription ou de modification des Informations relatives aux bénéficiaires effectifs ou (ii) adressent sciemment une demande d’inscription d’Informations inexactes, incomplètes ou non-actuelles ou (iii) omettent d’obtenir et de conserver toutes les Informations au siège social ou (iv) fournissent sciemment aux autorités nationales ou aux professionnels soumis à la Loi de 2004, dans le cadre de leurs mesures de vigilance, des Informations inexactes ou non-actuelles.

Entrée en vigueur de la Loi :

La Loi entrera en vigueur le 1er mars 2019.

Les entités immatriculées disposeront d’un délai de 6 mois pour se conformer à leurs obligations. Quant à l’accès en consultation au Registre, il ne sera possible qu’après l’écoulement de ce délai de 6 mois.


1 Les Directives prévoient également la mise en place d’un registre des fiducies dont le projet de loi 7216b, en cours de discussion à la Chambre des Députés de Luxembourg, transposera les dispositions dans la législation luxembourgeoise.
2 Par « bénéficiaire effectif » au sens de la Loi de 2004, est désignée toute personne physique qui, en dernier ressort, possède ou contrôle une société ou toute personne physique pour laquelle une transaction est exécutée ou une activité réalisée. La notion de bénéficiaire effectif comprend au moins:

  1. toute personne physique qui, en dernier ressort, possède ou contrôle une entité juridique, du fait qu’elle possède directement ou indirectement un pourcentage suffisant d’actions ou de droits de vote ou d’une participation au capital dans cette entité, y compris par le biais d’actions au porteur ou d’un contrôle par d’autres moyens, autre qu’une société cotée sur un marché réglementé qui est soumise à des obligations de publicité compatibles avec le droit de l’Union européenne ou à des normes internationales équivalentes qui garantissent la transparence adéquate pour les informations relatives à la propriété.
    Une participation dans l’actionnariat à hauteur de 25 pour cent des actions plus une ou une participation au capital de plus de 25 pour cent dans le client, détenue par une personne physique, est un signe de propriété directe. Une participation dans l’actionnariat à hauteur de 25 pour cent des actions plus une ou une participation au capital de plus de 25 pour cent dans le client, détenue par une société, qui est contrôlée par une ou plusieurs personnes physiques, ou par plusieurs sociétés, qui sont contrôlées par la ou les mêmes personnes physiques, est un signe de propriété indirecte ;
  2. si, après avoir épuisé tous les moyens possibles et pour autant qu’il n’y ait pas de motif de suspicion, aucune des personnes visées au point i) n’est identifiée, ou s’il n’est pas certain que la ou les personnes identifiées soient les bénéficiaires effectifs, toute personne physique qui occupe la position de dirigeant principal.